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Samuel Yal et Bruno Albizzati, Altérations

La Galerie La Forest Divonne réunit un quarantaine d’œuvres de deux jeunes artistes français Samuel Yal et Bruno Albizzati. Ils y proposent une déclinaison construite sur le thème des altérations ; un duo show à voir jusqu’au 10 février 2018.

Altérations

L’un est sculpteur et associe céramique et animation, l’autre travaille principalement le papier et le carton. Les sculptures de Samuel Yal aligne la récurrence des visages blancs porcelaine, quand Bruno Albizzati nous livre des œuvres dominées tantôt par le noir du fusain et le métallique du graphite, tantôt par les couleurs pastels. Pourtant quelque chose les réunit ici : cet instant capturé dans la matière, ce moment du passage entre deux états. Chez Bruno Albizzati, il est celui de l’existence à la réminiscence ou à la trace, celui de l’ombre à la lumière. Chez Samuel Yal, cet instant façonne la mutation d’un corps vers une forme alternative de vie, révélant la fulgurance de cette métamorphose. Dans ce face à face, deux pratiques artistiques, deux perceptions de la dynamique des Altérations.

Bruno Albizzati

Né à Paris en 1988, il y travaille et y vit aujourd’hui. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris, il s’est spécialisé dans les images imprimées. Il fut le premier artiste exposé par Jean de Malherbe, directeur de la Galerie La Forest Divonne de Bruxelles, en 2008, dans sa galerie étudiante de la Sorbonne, alors qu’ils étaient tous deux étudiants.

Déclinée en séries parallèles et complémentaires, la pratique de Bruno Albizzati se traduit souvent dans le traitement et les accidents auxquels il soumet son support de papier ou de carton. En résultent, des œuvres frottées, froissées, pliées, tordues, découpées, déchirées, grattées, assemblées, compactées et restituées dans une remise à plat de leur parcours avant un traitement attentionné de surface.

Des surfaces toujours travaillées avec soin, parfois bombée à la peinture aérosol ou saturée de ses couches graphite, parfois soumise au polissage à la mine de plomb ou sublimée par la couche craquelée de la résine et de la paraffine. Et presque toujours, une exploration de la lumière qui semble venir des profondeurs du support pour venir se révéler en superficie.

Adepte des promenades urbaines, Bruno Albizatti n’hésite pas à en ramener les empreintes prises sur des trottoirs ou des pierres usées par le temps qui jalonnent ses itinérances. Elles se retrouvent ainsi imprimées sur papier sous la pression du crayon ou du rouleau encreur.
De ces maltraitances et de ces traces jaillissent des évocations paysagères mystérieuses, sorte de mapping physique et mental qui déploie son histoire en all-over, asymétries ou superpositions.

Un travail qui s’extrait du figuratif, même s’il en contient des réminiscences. Des œuvres sans titre. Seul un sous-titre signe leur appartenance à une série. Des ‘Réflexions’ en couleurs, collages sur papier bombés à l’aérosol. Des ‘Composites’ gris graffite dont les couches superposées, combinées deviennent bas-reliefs monochromes. Des ‘Polyptyques’ qui multiplient les plans et les matériaux. Des ‘Consumés’ qui sommeillent sous leur vernis de cire et de résine. Ou encore des ‘Lumi-parcelles’ et leur évocation sensible de la lumière.

Samuel Yal

Né en 1982, il vit et travaille à Saint-Cloud. En 2003, il sort diplômé de l’École Nationale des Arts Appliqués et de l’Image de Chambéry -Option Cinéma d’animation et création graphique. De 2004 à 2008, il effectue son Master d’Arts Plastiques et de Sciences de l’Art à l’Université de Paris 1. Il passera en 2015 et 2016 par la Casa Velázquez à Madrid. Il s’est vu déjà décerné de nombreux prix : une sélection pour le Prix Icart à l’Espace Cardin, à Paris, en 2013, Prix Georges Coulon pour la sculpture décerné par l’Institut Français de Paris en 2013 et plus récemment, en 2017, le Grand Prix de l’Institut Bernard Magrez.

Ce qui frappe dans le travail de Samuel Yal, c’est l’omniprésence de visages. Une représentation proche d’une expérimentation figurative. Ces évocations singulières m’avaient déjà séduit lors de ma visite de l’édition 2017 de la YIA à Bruxelles.

La sculpture de Samuel Yal se manifeste en de multiples explosions et les béances qu’elles occasionnent. Parfois, c’est aussi une existence qui s’arrache à la matière. C’est un arrêt sur image, la capture de l’instant d’après. C’est l’expression d’une vie qui mute du figuratif au ra végétal. Chez Samuel Yal on trouve souvent une marée de fragments, des corps et visages malmenés, transfigurés par l’effort de leur transformation et comme pétrifiés dans ce moment. Un amas de vestiges d’une vie passée qui, l’instant d’une refonte deviennent éléments constitutifs ou matrices d’une recomposition, d’un recommencement.

La série des ‘Magmas’ et ses visages arrachés et pourtant tellement reliés à la matière primaire dont ils sont issus. Un magma vivant saisi dans la fulgurance de son ébullition et l’éclatement de ses boursouflures aux odeurs de souffre auprès desquelles évoluent les ‘Incandescences’, étranges créatures xénomorphes mi-végétales mi-humaines. Empêtrés dans leur matière, les ‘Vortex’ de grès et d’émail sont ici réunis tiraillés dans un jeu d’attraction et de rejet de deux visages dans leur relation l’un à l’autre.

Dans le fond de la galerie, l’installation ‘Dissolution’, telle un éclatement saisi dans sa propre suspension. Un visage serein, les yeux fermés, à l’avant plan de ses représentations fragmentaires, témoignage d’une multiplicité de l’être derrière l’unité de sa façade.
A côté, ‘Effusion’ ; des têtes calcinées s’échappent et se dissolvent vers le ciel surplombant un amas de charbon. Plus loin les ‘Réparations’, rédemption des têtes brisées et recollées, suturées d’or. Une restauration qui magnifie ses fêlures après l’altération.

A ne pas manquer, dans un recoin de l’espace, la vidéo du court métrage Noevus, récompensé par de nombreux festivals et présélectionné pour les Césars. Cette céramique animée a demandé une année et demie de réalisation. Dans un incessant flux et reflux, une marée d’éléments végétaux et organiques en porcelaine d’où émerge l’être vivant façonné de ceux-ci et qui, finalement repris par sa nature première, redevient végétal. Beaucoup de sculptures de visages présentes dans cette exposition trouvent la genèse de leur création dans ce projet tout en en prolongeant la vie.

Qu’en penser ?

Il se dégage du travail de Samuel Yal toute une réflexion sur la Création et le cycle qui nous amène inexorablement vers une destruction. C’est l’histoire d’un homme né de la boue d’un magma primaire dont il essaye de s’extirper sans le pouvoir et qui l’engloutira à nouveau.
Il rejoint les propositions de Bruno Albizzati dans cette volonté d’explorer ce passage d’un état à un autre, subtil équilibre entre deux mondes.

A l’effervescence d’une matière en fusion prise dans les turpitudes d’un re-devenir perpétuel chez Samuel Yal, répond la tectonique presque imperceptible des surfaces peintes et la confrontation aléatoire des textures chez Bruno Albizzati. L’apparente quiétude de surface d’un relief de glace au bord de la fracture. Dans ce jeu de tiraillement entre attirance et de répulsion se joue toute l’histoire de la création.

 

Bruno Albizzati / Samuel Yal
Altérations
Galerie La Forest Divonne Bruxelles
Rue de l’Hôtel des Monnaies 66
1060 Bruxelles
Jusqu’au 10 février 2018
Du mardi au samedi, de 11h à 19h
www.galerielaforestdivonne.com

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal, Dissolution, 2012, Porcelaine , courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Bruno Albizzati, Réflexion #18, 2017, Peinture aérosol et collage sur papier, courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal, Magma I, détail , courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Bruno Albizzati, courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal, Magma 1 et 2, 2017, Grès, émail et or, courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Bruno Albizzati, Polyptyque #3, 2017, Peinture aérosol et collage sur papier , courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal, Vortex 2 et 3, 2017, Grès et émail, courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal, Magma I, détail , courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

 

Samuel Yal Bruno Albizzati
Samuel Yal et Bruno Albizzati, courtesy Galerie La Forest Divonne, Altérations, Bruxelles, 2017, (c) photo Alexis Burlat

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